Look controversé: sandales avec chaussettes, est-ce pour vous?

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Ah, oui… L’été est enfin ici et, au Québec, cela signifie aussi qu’on entre de plain-pied dans la saison des sandales. Ce qui nous rapproche du sujet tant redouté des sandales portées avec des chaussettes. Et un sujet qui divise! Certains professionnels du style résolument branchés trouvent que c’est cool, tandis que pour d’autres il s’agit d’une association ringarde, à éviter à tout prix.

Explorons donc le sujet. Et vous déciderez ensuite si c’est pour vous. Ou pas. Cool?

La mode se recycle en permanence

Le look n’est pas nouveau. En fait, enfiler des chaussettes sous des sandales remonte à l’époque des Romains, il y a environ 2 000 ans, qui les portaient pour des raisons pratiques : éviter les ampoules, se protéger des coups de soleil et garder les pieds propres. De plus, les chaussettes traditionnelles japonaises tabi (à bouts fendus) sont associées avec des sandales à lanières depuis le XVe siècle. Dans les années 1950 et 1960, les enfants portaient des sandales de cuir à brides avec des chaussettes dans la plupart des pays européens et, dans une certaine mesure, en Amérique du Nord.

Puis, plus rien. Par conséquent, les sandales de sport Teva étaient principalement portées telles quelles à la plage, ont voyait les plateformes déambuler sur les trottoirs sans textile additionnel, et les sandales à talon aiguille étaient réservées aux cocktails et aux grandes sorties par-dessus un pied nu.

Il faudra attendre la fin des années 90 pour voir apparaître les claquettes Adidas à semelles de picots avec des chaussettes sport après les séances d’entraînement au foot. À l’an 2000, une nouvelle version de ce look fait irruption mais bien loin des terrains de foot, dans les cafés et même, comble de l’horreur, lors d’événements.

En Allemagne et dans les pays d’Europe de l’Est, le mariage sandales de plastique à enfiler et chaussettes sont ultra populaires chez les hommes d’âge mûr, à tel point que ça fait presque partie du folklore.

Puis, quelque chose d’étrange s’est produit lors des collections prêt-à-porter automne-hiver 2016, lorsque Miuccia Prada a montré sur le podium des sandales à plateforme en velours ultra-luxueuses associées à différents types de bas: socquettes en nylon et chaussettes aux genoux en laine à motif diamant. Et on connaît tous la réputation de la marque italienne pour ramener à l’avant-plan des tendances des looks désuets comme le ‘chic laid’, qui a bouleversé les codes de la mode en 1996 et hissé Prada au sommet des créateurs visionnaires.

D’accord, certains diront: c’était pour les femmes.

Mais en 2018, après que David Beckham a été vu portant des chaussettes rouges avec des sandales Birkenstock dans le Vogue britannique, le dernier tabou des vestiaires a volé en éclats. Peut-être que la multiplication des looks normcore a eu quelque chose à voir avec le fait que cette association étrange – que certains appelleraient carrément laide – finirait par être largement acceptée, après avoir été l’objet d’une multitude de débats.

Le normcore? Oui, ce mouvement qui a transformé des attitudes et des éléments anti-mode en expressions de style. On pense aux fameux ‘dad shoes’ et aux jeans des années 1990 (et s’habiller comme Jerry Seinfeld!) qui sont soudain devenus ultra-tendance. Et c’est

ce qui a aussi contribué à faire du honni duo sandales et chaussettes un look convoité.

Dans les dernières années, les Crocs ont eu le même effet, passant du statut de chaussures pratiques à celui d’accessoires archilaids pour être réhabilités plus tard comme sabot tendance. La Québécoise Marika D’Auteuil, artiste maquillage et éducatrice ayant une carrière internationale en essor, est reconnue pour arborer fièrement ses Crocs sur scène. Avec ou sans chaussettes.

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Très bien. Mais devrait-on les porter?

Comme tout ce qui touche de près ou de loin à la mode – ou même la vie! – la décision de faire quoi que ce soit ne devrait dépendre de ce qu’on aime. Mais si on a encore besoin de l’opinion d’autrui pour se décider, voici ce que deux professionnels du style pensent en ce qui concerne l’idée de porter des sandales avec des chaussettes.

Stéphan W, styliste coiffure et propriétaire du salon Stéphan W atelier, un homme au goût exquis qui adore les sacs saddle Dior, est très clair: c’est horrible.

«Je sais que c’est très ‘in’ pour les jeunes hommes sportifs qui recherchent le confort à tout prix, mais ne peux pas supporter ce look. Pour moi, ça veut dire : ‘je suis paresseux et je n’ai même pas voulu faire un effort' ». Depuis la pandémie, il y a un véritable laisser aller. Les gens ne veulent plus être contraints dans leurs vêtements. On voit aussi beaucoup plus de ce que j’appellerais des semi-sweatpants pour aller travailler. Le décorum est en train de glisser. Personnellement, je porte uniquement des sandales en vacances ou au chalet. Et je ne parle même pas des Crocs, que je trouve tout à fait atroces». Voilà qui est clair!

Opinion diamétralement opposée, la styliste mode et productrice de défilés Sophie Lanza a toujours aimé ce look. Opinion diamétralement opposée, la styliste mode et productrice de défilés Sophie Lanza a toujours aimé ce look. «Je me souviens d’un photoshoot que j’avais fait pour le magazine Clin d’Oeil, et de la rédactrice en chef qui n’était pas enchantée par les sandales à talons hauts avec socquettes que j’avais proposées. Mais comme tout ce qui est mode, on doit oser ce qui est différent. Moi je trouve que c’est un look très mignon. Une femme qui porte ça est une femme forte. Ça en dit long sur elle, sur son désir de prendre des risques en matière de style.»

«Je ne suis pas d’accord, dit Stéphan. Je trouve que les femmes qui portent des chaussettes avec des sandales – même si ce sont des talons hauts – finissent par avoir l’air juvéniles. C’est pas très ‘high fashion’. Même si c’est mignon, j’ai toujours l’impression que c’est comme si on essayait d’équilibrer un look ‘madame’ avec quelque quelque chose de trop infantile. Mais au moins on ne voit pas les orteils!»

En fin de compte, comme tout ce qui tourne autour de la mode et du style à l’ère du « tout est permis », c’est l’individualité et le choix de chacun qui prime. La règle, c’est qu’il n’y a pas de règle. Peu importe ce qu’on choisit, l’important c’est de s’afficher comme on est et de rester soi-même. C’est ce qui compte! Chaussettes ou pas…